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  • Photo du rédacteurLaurent Puech

Fausses dénonciations de maltraitances : la présentation améliorable de la CIIVISE

Dernière mise à jour : 5 oct. 2023




Résumé : Le remarquable travail de mise à jour de l'importance de l'inceste et des agressions sexuelles sur les mineurs effectué par la Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) a fait de cette institution et de son co-président le magistrat Édouard DURAND des autorités sur ces questions. C'est vrai dans les champs médiatique, politique et professionnel. Un des messages répétés par ces autorités est une invitation aux professionnels à se défaire de l'idée de l'existence de fausses allégations de maltraitance de la part du parent en charge de la garde (essentiellement les mères) quand elles sont dirigées contre l'autre parent [Ce qu'affirment la CIIVISE et Édouard DURAND]. Un ensemble de déclarations adossées à des citations d'études scientifiques répètent ce message en direction de la société ainsi que le secteur professionnel, sous une forme orientée [Ce qui étonne dans la communication de la CIIVISE]. Devant cette affirmation majeure sur un sujet sensible provenant d'une autorité, il est proposé ici un examen des sources et données sur lesquelles se fondent la CIIVISE [Que disent les études citées par Édouard DURAND]. Il apparaît ainsi que la communication de la commission et de son co-président sont biaisées sur certaines données. Elles orientent la perception du sujet par une conclusion contestable et différente de celle des auteurs d'une étude pourtant abondamment citée [Trocmé et Bala VS CIIVISE : conclusions opposées ?]. La position de la CIIVISE apparaît happée par un combat contre les défenseurs du syndrome d'aliénation parentale [Donner une information tronquée pour en combattre une fausse ?], et correspond alors à un positionnement parfois plus militant qu'objectif, au risque de perdre en efficacité [Une position militante et simplificatrice ?]. La CIIVISE ne semble d'ailleurs pas mesurer qu'appliquée à la question des féminicides, sa méthode d'analyse reviendrait à les considérer comme... des mythes (La CIIVISE minimiserait-elle l'importance des féminicides ?). Pourtant, certaines parties des données mises en avant par ces deux autorités sont justes et doivent être, elles, entendues par les professionnels, de même que les savoirs issus des études [Ce que l'on sait en trois points]. Cet article se conclue par un appel à de nouvelles études, une réflexion sur ce que croire veut dire en tant que professionnel et une invitation à la CIIVISE et Édouard DURAND. Celle de nuancer et compléter leurs propos [L'espoir d’un avis enrichi de la CIIVISE] sur la question des allégations fausses intentionnellement ou pas : des situations qui, dans certains contextes, sont significativement présentes et ne peuvent être ignorées.

 


En échangeant avec une travailleuse sociale intervenant dans une équipe dédiée à l'évaluation des informations préoccupantes, mon attention a été mobilisée par une de ses affirmations. Elle considérait que, dans les cas de couples séparés, lorsqu'une mère affirme que son enfant est victime de maltraitance de la part du père, il faut la croire au sens qu'est forcément énoncée une vérité. Étonné par cette affirmation radicale et lui demandant sur quoi elle se basait pour être aussi certaine, elle indiquait suivre ce que la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) et Édouard DURAND, magistrat qui la co-préside, préconisent sur la base d’études scientifiques chiffrées concernant ce type d'allégations.


La CIIVISE et Édouard DURAND ont produit et poursuivent un travail majeur et remarquable de recueil de témoignages de personnes victimes d'inceste, ainsi qu'une mise en lumière de cette question auprès des autorités et du grand public. Cette commission et ce magistrat constituent deux autorités reconnues, sur un sujet grave (les abus sexuels, l'inceste, les maltraitances) et hautement émotionnel, diffusant des données chiffrées... Du fait de l'impact potentiellement important sur les pratiques professionnelles, nous avons là des ingrédients qui incitent le travailleur social sceptique à évaluer cette information .


Le sujet mérite un examen attentif et dépassionné. Car, d'un point de vue professionnel, ces questions de "fausses allégations" systématiquement soupçonnées ou au contraire "allégations incontestables" relèvent possiblement de positions dogmatiques. Les professionnels doivent pouvoir travailler sur ces sujets sensibles à partir de données et analyses autant prudentes que fiables. Ceci pour agir au mieux, c'est à dire sans défiances nourries par des suspicions déplacées et sans point-aveugle. L'impact de leurs interventions sur les familles et chacun de leurs membres est potentiellement dangereux s'il est parasité. D'où l'importance que des autorités techniques leur proposent des éléments de compréhension fiable, aidant à se faire une représentation la plus complète et juste des situations.


Ce qu'affirment la CIIVISE et Édouard DURAND


Dans un avis du 27 octobre 2021 intitulé Inceste : protéger les enfants. A propos des mères en lutte, la CIIVISE consacre une partie visant à "En finir avec le mythe des fausses plaintes de maltraitances sur les enfants dans le contexte d'une séparation parentale" :



Édouard DURAND affirmait sur Médiapart en mars 2021, deux mois après la création de la CIIVISE, que "« (...) nous savons notamment, principalement, pour répondre à votre question, que les fausses allégations, les fausses dénonciations, sont très résiduelles."

Cette affirmation est présente depuis longtemps dans ses livres ou articles. Dans Violences sexuelles - En finir avec l'impunité, co-dirigé avec Ernestine RONAI et paru en 2021, on retrouve la même assertion ("l’état des connaissances montre que les fausses allégations sont très marginales") référée à l'étude de Trocmé et Bala, 2005.

Déjà, dans un article paru en mai 2013 dans la revue Actualité Juridique Famille, il écrivait « En effet, l’idée de « fausses dénonciations » est associée au concept d’aliénation parentale que les professionnels sont enclins à « détecter » dès que la mère fait état de négligences voire de maltraitances du père à l’égard de l’enfant. Or, les fausses allégations sont très largement résiduelles, même dans un contexte de litige sur la garde de l’enfant (Trocmé et Bala, 2005). ». Et l'année précédente dans un autre article publié par Le Carnet PSY (n°182 - 2014/6), il souligne avec plusieurs références à l'appui que "Il apparaît pourtant que les fausses dénonciations d’abus ou de négligences maltraitants sont très largement résiduelles (Trocmé et Bala, 2005 ; Romito et Crisma, 2009 ; Phelip et Berger, 2012)."


Plus récemment, cette idée est souvent présente dans les propos du magistrat, comme le 22 novembre 2022 sur France Inter ("les théories sur les fausses dénonciations, allégations sont totalement infondées."). En 2022 toujours, dans son livre Protéger la mère c'est protéger l'enfant , il est plus complet : "En premier lieu, plusieurs études réalisées sur des échantillons significatifs mettent en effet en évidence que les fausses dénonciations de maltraitance sont marginales dans un contexte de séparation parentale et sont plus souvent le fait du père qui n’a pas la « garde » de l’enfant que de la mère chez laquelle l’enfant vit (Romito et Crisma, 2009 ; Romito, 2011 ; Phélip et Berger, 2012, Viaux, 2020). On citera ici une étude réalisée en 2005 sur un échantillon de 7 672 dossiers de maltraitance sur enfants : sur l’ensemble de ces dossiers, le parent ayant la garde de l’enfant (la mère le plus souvent) n’est l’auteur que de 7 % des dénonciations, d’une part, et ne commet une dénonciation intentionnellement fausse que dans 2 % des cas, d’autre part, soit douze cas sur l’ensemble des dossiers de maltraitance (Trocmé et Bala, 2005)."


Que ce soit la CIIVISE ou Édouard DURAND, la trame de l'argumentaire reste stable durant toutes ces années, diffusant une double idée-clé concernant les fausses allégations, qui seraient "marginales", "très marginales", "extrêmement marginales", "résiduelles", "très résiduelles", "très largement résiduelles", et les accusations de fausses accusations seraient par conséquent "totalement infondées", nourrissant un "mythe". Une étude revient quasi-systématiquement en appui de ces propos : "Trocmé et Bala, 2005".


Ce qui étonne dans la communication de la CIIVISE

Avant de vérifier ce que disent les sources mentionnées, quelques remarques sur la présentation de l'avis du 27 octobre 2021 reproduite plus haut :



  • L'utilisation du terme "mythe" renvoi à une chose imaginaire ou à un récit relatant des faits imaginaires...

  • "lorsqu'elles dénoncent l'inceste subi par leur enfant, les études scientifiques disponibles démontrent" est avancé... mais seule une étude de 2005 est citée explicitement.

  • Cette étude telle que présentée par la CIIVISE concerne des dossiers de maltraitance et non pas seulement des dossiers d'inceste. Si "les études scientifiques disponibles démontrent" quelque chose concernant la validité/invalidité des accusations d'inceste, pourquoi ne pas en citer une qui s'est spécifiquement intéressée à ce sujet ?

  • On observe que seul est cité le pourcentage de "déclaration intentionnellement fausse" et non pas celui des déclarations qui s’avèrent fausses. Or, il peut exister d'autres causes à la fausse déclaration que celle de l'intention de faire une fausse déclaration : l'interprétation erronée, l'erreur de perception d'un mot, d'un geste, etc. Bref, des accusations/allégations fausses mais faîtes de bonne foi et qui devraient être prises en compte dans la mesure de la fréquence des fausses déclarations. Car, qu'elles soient intentionnelles/fabriquées ou issues d'une erreur d'analyse, les deux allèguent faussement des "faits". Il n'existe pas de "fausse allégation" mais seulement de "vrais allégations de faits qui dans certains cas s'avèrent faux". Nous nageons là dans cet Effet Paillasson où la confusion des termes biaise un argumentaire. Nous verrons plus loin que dans leur étude, Trocmé et Bala (2005) font un travail de définition précise des termes utilisés, ce qui manque à la CIIVISE.

  • Enfin, pour conclure cette partie, le procédé rhétorique utilisé par les auteurs consiste à... changer de sujet (on passe de la question de la validité/invalidité des accusations à celles de la... double sous-déclaration des incestes). Or, les deux sujets sont bien deux questions différentes : on peut avoir des sous-déclarations ou sur-déclarations et des fausses accusations en proportion élevée ou faible, les deux éléments sont indépendants). Quel est le sens de ce déplacement du débat vers cet autre terrain ? A minima, il est probable qu'un des effets produits est la confusion pour le lecteur qui ne sait plus de quoi il est ici question.

Bref, à la seule lecture de cette partie de l'avis de la CIIVISE, un travailleur social sceptique identifiera plusieurs points faibles qui incitent à prendre avec prudence ce qui y est affirmé. L'utilisation d'un argumentaire construit comme un tract radical (choix des termes à fort impact, cohérence du récit référée à une idée-clé plutôt que par des liens logiques entre les éléments proposés) renforce cette invitation à de la prudence. Par conséquent, il est préférable de vérifier de plus près ce que la seule source donnée dans cet avis produit comme "savoir".


Que disent les études citées par la CIIVISE et Édouard DURAND


Nous l'avons vu, une étude revient sans cesse et ses conclusions constituent manifestement un socle jugé suffisamment solide pour soutenir l'affirmation principale de la CIIVISE sur ce sujet : l'idée que les fausses déclarations sont proportionnellement si négligeables qu'elles ne doivent plus venir comme une hypothèse à prendre en compte pour les professionnels.


Avertissement : la lecture de données statistiques peut parfois produire une compréhension erronées des résultats indiqués. Dans l'indication des proportions, il faut toujours se rappeler de la catégorie de situations à laquelle la proportion se réfère.


"Trocmé et Bala, 2005" et Cherry-Picking



L'étude de Nico TROCME et Nicholas BALA, intitulée False allegations of abuse and neglect when parents separate, est parue en 2005 dans Child Abuse & Neglect (29(12), pages 1333 à 1345). Après consultation de la synthèse et de la version intégrale de l'article original, voici les résultats de cette étude que la CIIVISE et Édouard DURAND reprennent ou ne mentionnent pas, ce qui pose problème :

  • Nico TROCME et Nicholas BALA notent les confusions engendrées par l'absence de distinction entre différentes allégations ("Because many jurisdictions and studies do not distinguish between suspected, unsubstantiated and intentionally false allegations, confusion in the interpretation of investigation statistics is understandable." p1335). Ils proposent donc une distinction en 4 catégories : avérée (substantiated), suspectée/présumée (suspected), non-avérée, de bonne foi (unsubstantiated, good faith), intentionnellement fausse (Intentionally false). La finesse de ce travail permet de cerner très spécifiquement les allégations intentionnellement fausses et de les distinguer des allégations avérées, des non-démontrées mais conservant des éléments nourrissant le doute et enfin celles non-avérées sans aucun élément nourrissant le doute. Ces dernières sont bien des "fausses allégations" dans le sens où elles ne correspondent à aucun élément factuel minimal pouvant les étayer.

  • Les deux données chiffrées citées par la CIIVISE : une exacte, l'autre pas, et au moins une troisième donnée manque. Tous types de motif de signalements confondus, le parent gardien (en effet le plus souvent la mère) représente bien 7% des signalants, mais 4% (et non 2%) de la totalité des allégations intentionnellement fausses (cf Tableau 4 de l'article, page 1340). Les auteurs de l'étude confirment dans un article paru sur la base des données de leur étude (Les fausses allégations de violence et de négligence, Theresa Knott, Nico Trocmé et Nick Bala, CEPB Informations, 2004) que c'est bien 4% qui doit être la donnée retenue.




  • Le tableau 6 de l'article (page 1342) montre aussi des résultats importants qui ne sont pas mentionnés par la CIIVISE : ces déclarations intentionnellement fausses sont recensées exclusivement lorsqu'il y un contexte de conflit concernant la garde ("Custody dispute"). Dans ce contexte de conflit, sur la totalité des allégations intentionnellement fausses, la part de celles provenant d'un parent gardien s'élève à... 14%. Nous sommes ici loin de l'idée diffusée par la CIIVISE dans son document (2% et c'est tout). Dans certains contextes, la production d'allégations intentionnellement fausses par le parent gardien ne peut être négligée. Mais il convient aussi de mesurer que la situation conflictuelle favorise une augmentation de la production d'allégations intentionnellement fausses plus importante encore de la part de parents non-gardiens. Donc, oui, on trouve des déclarations intentionnellement fausses dans un nombre significatif de cas.

  • Autre élément important concernant les allégations intentionnellement fausses de la part du parent gardien, c'est le thème choisi qui doit plus particulièrement intéresser la CIIVISE. Les parents gardiens sont à l'origine de 19% des allégations d'abus sexuel intentionnellement fausses (cf Tableau 4 de l'article, page 1340). Il est étonnant que la CIIVISE ne souligne pas cette proportion, directement en lien avec son sujet de travail (violences sexuelles)...

  • Pour conclure cette partie, soulignons que le nombre de cas indiqué dans le document de la CIIVISE ("12 cas sur l'ensemble des dossiers de maltraitance (Trocmé et Bala, 2005)) ne concerne pas "l'ensemble des dossiers de maltraitance" mais l'ensemble de ceux recensés pour cette seule étude. Les auteurs (Tableau 1, page 1338) ont effectué une estimation du nombre de situations correspondant à des allégations intentionnellement fausses au niveau du Canada. Et, pour toutes les sources confondues (parent-gardien, parent non gardien, autres tiers, professionnels), ils donnent une fourchette entre 3158 et 7486 situations concernées par des déclarations intentionnellement fausses. La France comptant plus de 50% d'habitants que le Canada, si l'on transpose à notre pays (mais l'exercice a une valeur restreinte) on pourrait estimer que 4500 à 11000 situations de ce type. Derrière chaque situation, il y a potentiellement de nombreuses personnes impactées par les effets des accusations. Un phénomène de faible ampleur dans une étude sur un nombre réduit de situations peut toucher des milliers de personnes à l'échelle d'une population importante.

Le périmètre du "Faux" et ses effets

  • A ce stade, une question importante doit être posée. C'est celle du périmètre de la "fausse déclaration". On le voit, la CIIVISE se réfère en fait à la seule catégorie Intentionnellement fausse de TROCME et BALA, 2005. Or, nous l'avons vu, il peut exister une production d'accusation/allégation sincère mais bel et bien fausse. Le faux est en première définition ce "qui n'est pas vrai, qui est contraire à la vérité", ou encore ce "marque un écart par rapport à ce qui est correct, juste, exact.". Sauf à se situer sur un plan moral, qui associe le faux à une intention, un acte volontaire qui confère à la personne qui le produit un jugement négatif, le faux doit être considéré comme toutes les déclarations, intentionnelles ou pas, qui ne sont pas convergentes avec les éléments observables de la réalité. C'est, de la place du professionnel qui écoute les récits des personnes, la seule position viable. Le faux non-intentionnel reste... faux. Et produire du faux, c'est à dire de l'erreur, du partiellement ou totalement inexact n'est pas un problème en soi. Tous les êtres humains, professionnels ou pas, en produisent. Le problème survient quand on ne distingue pas le faux du vrai.

  • Les travaux de TROCME et BALA ouvrent une approche intéressante. La catégorie "non avérée" se distingue de celle "suspectée/présumée". Cela permet de disntinguer les situations où rien ne converge avec l'allégation/accusation, de celles où des éléments peuvent laisser penser qu'il y a bien quelque chose sans que pour autant ce soit avéré. Cette distinction autorise à considérer comme fausse la situation dans laquelle les éléments constatés et rassemblés marquent un tel écart avec l'accusation/allégation qu'ils ne laissent pas le moindre doute qui permettrait de la considérer comme a minima suspecte.

  • Comme dit plus haut, il n'existe pas de "fausse allégation" mais seulement de "vrais allégations de faits qui dans certains cas s'avèrent faux". Alors, pour comptabiliser la part des déclarations considérées décrivant faussement une situation dans les récits des personnes rencontrées par les professionnels, il s'avère pertinent de prendre en compte sans les confondre les deux catégories qui, après vérification, ont produit du faux : non-avérée, de bonne foi (unsubstantiated, good faith) ET intentionnellement fausse (Intentionally false).

  • Si l'on agrège ces deux catégories, alors nous sommes autour de 30% d'allégations de parents-gardiens qui ne correspondent pas aux éléments factuels (et un peu plus de 50% pour les parents-non gardiens...). On mesure ici combien pour les professionnels, cette question de l'écart entre ce qui est dit et ce qui est confirmé peut être grand.


Une étude plus récente non-mentionnée par la CIIVISE

  • Cette donnée rejoint les résultats d'une étude plus récente (2007) et pourtant non-mentionnée par la CIIVISE, bien qu'elle provienne d'une équipe où l'on retrouve Nico TROCME et Nicholas BALA : ils ont ainsi publié leurs résultats dans l'article Sexual Abuse Allegations and Parental Separation: Smokescreen or Fire ?. L'étude de 2005 était basée sur les données 1998 du Canadian Incidence Study (CIS), tandis que celles mentionnées dans cet article s'appuient sur les donnés du même CIS pour 2003. Si la proportion de signalements intentionnellement faux reste stable (4% du total), le parent gardien représente 9% de ces allégations. Lorsque le thème prioritaire de l'allégation intentionnellement fausse est l'abus sexuel, le parent gardien représente 14% des signalants. Lorsqu'il y a un contexte de conflit entre les parents, le parent gardien représente 27% des signalements intentionnellement faux (tous thèmes de signalement confondus).

  • Là encore, il y a un niveau significatif de fausses déclarations intentionnelles qui ne peut être négligé.

Trocmé et Bala VS CIIVISE : conclusions opposées ?

  • Ce qui apparaît aussi à la lecture des travaux de TROCME et BALA en comparaison de la position de la CIIVISE, c'est la différence des conclusions sur la prise en compte de la question des fausses déclarations.

  • Pour la CIIVISE et Édouard DURAND, la position affichée auprès des professionnels peut se résumer à : les fausses allégations sont "résiduelles" "extrêmement marginales".

  • Pour ces chercheurs, au contraire, les fausses déclarations sont un problème qu'il faut prendre en compte et travailler à mieux identifier. Voici des extraits de leur conclusion (pages 1343-1344 - traduction via ChatGPT) : "La question des allégations non confirmées est sérieuse pour les professionnels du système de protection de l'enfance et de la justice, et encore plus pour les enfants concernés et leurs parents. Faire l'objet d'une enquête de protection de l'enfance qui s'avère finalement non confirmée est une expérience intrusive et souvent très stressante pour les enfants et les parents, et dans certains cas, les parents ne pourront "se disculper" qu'après avoir supporté de lourdes dépenses pour des avocats et des évaluateurs. Les données présentées ici révèlent clairement que les taux de fabrication délibérée d'abus par un parent ayant la garde sont relativement faibles, ce qui atténue les craintes selon lesquelles il y aurait un problème généralisé de parents ayant la garde cherchant à manipuler le système juridique ou à se venger de leurs anciens partenaires. Cependant, les données révèlent également que la question des allégations non confirmées et suspectées est significative, surtout dans le contexte de la séparation des parents. Les litiges de garde représentent une partie importante de toutes les enquêtes de protection de l'enfance, et c'est un contexte où il y a un taux élevé d'allégations non confirmées."

  • Ces mêmes auteurs concluaient en 2004 (Les fausses allégations de violence et de négligence, Theresa Knott, Nico Trocmé et Nick Bala, CEPB Informations), sur la base des mêmes données : "Le nombre d’allégations de mauvais traitements non fondées qui se produisent dans le contexte d’une séparation parentale soulève d’importantes questions au sujet de l’efficacité des procédures de dépistages actuelles. Pour faire face à ce problème, il serait peut-être utile d’améliorer les stratégies d’entrevue et d’évaluation en plus d’ajouter une formation spécialisée afin d’aider les travailleurs du domaine de la protection de l’enfance à mieux détecter les signalements fabriqués."

  • A partir des mêmes données, il n'y aurait donc pas de problème en France et une question à prendre en compte au Canada ? Pas de pensée des préjudices pour les parents faussement mis en causes ainsi que leurs enfants en France et la prise en compte de ces impacts au Canada ?

Les autres sources citées par Édouard DURAND

Si Trocmé et Bala, 2005 constitue la seule source citée par la CIIVISE et plus fréquemment utilisée depuis plus de 10 ans citée par Édouard DURAND, nous avons vu que 4 autres apparaissent. Vous en trouverez l'analyse en Annexe placée à la suite de cet article.


En résumé, les travaux de TROCME et BALA sont probablement les plus intéressants, et par conséquent logiquement cités régulièrement comme travaux de référence, et les autres sources citées y ramènent ou convergent avec leurs conclusions. Cependant, ces autres sources renforcent un constat déjà posé : la présentation faite de Trocmé et Bala, 2005 par Édouard DURAND et la CIIVISE omet de souligner des éléments importants (corrélation contexte de conflit/production d'allégations fausses) que d'autres auteurs (Romita et Crisma, Phelip et Berger) mentionnent. Or, en soulignant cet élément contextuel favorisant l'allégation intentionnellement infondée, ils pondèrent le discours qu'ils tiennent relativisant la part de ces fausses allégations, et donnent aux professionnels une information plus complète et juste que celle fournie par la CIIVISE.


Donner une information tronquée pour en combattre une fausse ?

La CIIVISE et Edouard DURAND donnent à leurs lecteurs des informations sélectionnées qui tendent à confirmer leur position : les fausses allégations des mères sont très marginales et le chiffre choisit par eux pour l'illustrer est "2%" des fausses allégations. Pour comprendre pourquoi des données plus complètes et aisément diffusables ne sont pas données par la CIIVISE (il suffit d'une phrase pour mentionner le passage à 12% de la part des fausses allégation intentionnelles provenant du parent-gardien), peut-être faut-il rappeler dans quel contexte/combat s'inscrit l'examen de cette question.


Si le sujet des "fausses allégations" est abordé, c'est parce que le thème du syndrome d'aliénation parentale (SAP) a depuis les années 80-90 ouvert une réflexion et une série de controverses, dont l'une porte sur le soupçon de fausses allégations d'abus sexuels par un nombre important de mères dîtes aliénantes. C'est notamment le cas du "créateur" du SAP, Richard GARDNER. C'est à partir notamment de ces affirmations accusant de nombreuses mères d'avoir recours à ce type d'accusations que des études sur le sujet ont été lancées (pour un état de la controverse, en plus du lien vers wikipédia ci-dessus, on peut lire Gagné, M.-H., Drapeau, S., & Hénault, R. (2005). L’aliénation parentale: Un bilan des connaissances et des controverses. Canadian Psychology/Psychologie canadienne, 46(2), 73-87.). Et il convient d'être prudent quand on aborde ce thème vu les erreurs/fausses affirmations que l'on peut trouver chez de nombreux auteurs engagés pour une thèse ou son contraire (ainsi, Wilfrid VON BOCH-GALHAU, ouvre son article « (Syndrome) d’Aliénation Parentale. Forme sous-estimée de maltraitance psychologique des enfants lors de séparations conflictuelles des parents », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 2018/2 (n° 61), en mentionnant que "L’aliénation parentale (Parental Alienation) est une forme spéciale de maltraitance psychique de l’enfant qui est classée au DSM-5", ce qui est absolument faux. Aucune entrée sous ce nom n'est disponible dans le DSM-5 quand bien même certains auteurs voient des traces de cette aliénation parentale dans une partie du descriptif Problème relationnel parent-enfant du DSM-5.


La CIIVISE se situe clairement dans un camp et un combat contre le syndrome d'aliénation parentale et l'idée même d'aliénation parentale. Dans le même avis diffusé le 27 octobre 2021, une page entière est consacrée à une dénonciation de ces concepts :




Cette position de dénonciation (mythes des fausses allégations des mères et pseudo aliénation parentale) pose question quant à son efficacité. Elle invite avec insistance les professionnels à adopter une position qui voudrait voir balayées tant l'idée de fausses allégations intentionnelles de la part de mères que celle de relations potentiellement aliénantes pouvant impacter le comportement des enfants d'un couple en guerre. Or, dans chaque service de protection de l'enfance, les professionnels ont vu ou ont en tête une ou des situations de couples séparés et avec des traits ressemblant à des "mensonges", "manipulations" dans les déclarations de certains parents (gardien ou pas). Ainsi, dans une étude intitulée L’aliénation parentale: points de vue et besoins d’intervenants et intervenantes, Marie-Hélène Gagné et al. (Revue communautaire de santé mentale Vol 28 N°1, 2009, pages 17 à 33 constatent que "tous les intervenants reconnaissent l’existence du phénomène de l’AP".

Si les professionnels trouvent dans l'aliénation parentale un concept aisément disponible qui a le bénéfice d'être explicatif au moins en apparence (heuristique de disponibilité), une simple négation de son existence sera a minima peu efficiente en terme de communication.

Est-ce que voulant lutter contre l'affirmation de Gardner, la CIIVISE, comme d'autres acteurs engagés contre l'écho du SAP, ne propose pas une image réductrice au risque d'être caricaturale et erronée ?


Une position militante et simplificatrice ?

Dans le secteur professionnel, le militantisme n'est un problème que lorsqu'il provoque la perturbation d'un positionnement professionnel du fait d'un biais de perception ou d'analyse sur une situation ou un thème. C'est justement ce qui est reproché aux "pro-SAP". Mais la réponse de la CIIVISE souffre du même défaut.

Elle est marquée par un militantisme qui peut verser dans l'excès. Édouard DURAND théorise dans son livre d'entretiens avec Delphine SAUBABER (Défendre les enfants 2022) sa position, qui rejoint ce que nous constatons dans le positionnement de la CIIVISE sur la question des fausses allégations. Après examen, cette position pose problème au regard d'une approche professionnelle. Ainsi, lorsque dans la première partie du livre (Juge des enfants : une mission), Delphine SAUBABER lui fait remarquer que "Certains de vos collègues disent en effet de vous que vous êtes un militant.", voici ce qu'il répond :


"Peut-être, mais ce n’est pas un défaut d’être militant. La neutralité, voilà une autre bonne planque ! Il n’y a pas de position neutre. On fait toujours des choix qui disent qui nous sommes. Entre un agresseur et une victime, si on est neutre, alors on est du côté de l’agresseur. Pourquoi la société a-t-elle tendance à penser : « C’est plus compliqué que ça » ? On dit que les violences conjugales, les violences sexuelles, les violences faites aux enfants sont toujours plus compliquées qu’un simple rapport entre un agresseur et une victime : c’est l’enfant qui séduit, c’est la complexité de la relation, ce n’est pas tout noir ou tout blanc, etc. Ces arguments que l’on nous répète sont avant tout une manière de brouiller les choses. On dit que c’est compliqué pour se simplifier la vie… et éviter d’agir."


En quoi cette réponse s'avère militante et simplificatrice ?

- Il oppose "militantisme" et "neutralité", créant ainsi un faux dilemme : soit tu es "militant", soit tu es "neutre", choisi ton camp. Une approche professionnelle n'est pas une approche "neutre", qui ne prend pas parti dans un débat ou conflit. Mais le parti pris professionnel est construit sur autre chose que ses propres tripes ou une idéologie. il est essentiellement adossé à des éléments objectivés, c'est à dire qui existent en dehors de la simple perception de la personne. Le militantisme peut se satisfaire d'être subjectif, le professionnalisme refuse de s'en contenter et, dans ce but, a recours à des moyens multiples (collectif/équipe, méthodologie d'intervention, etc.).

- Il renvoi uniquement à la dimension personnelle, essentialisant/psychologisant ainsi la question... et la réponse ("on fait toujours des choix qui disent qui nous sommes."), recours une nouvelle fois au faux dilemme (victime/agresseur, choisis ton camp) et use d'une pointe de culpabilisation pour assaisonner le tout ("on est du côté de l'agresseur"). Les professionnels font aussi des choix qui montrent non pas qui ils sont mais ce qu'ils sont et qui ne se limite pas à une personne.

- De façon cohérente et complémentaire des simplifications biaisées proposées (avec/contre la victime; militant/neutre), il balaye l'idée même de possibilité de complexité des situations, et donc d'approches qui peuvent avoir des nuances. Voici qu'oser évoquer des relations humaines et des contextes dans lesquelles elles se produisent, ces dimensions essentielles à une véritable évaluation professionnelle, devient une manière de "brouiller les choses" dans une intention (on dit que... pour...) de "se simplifier la vie" et "éviter d'agir" (culpabilisation encore). Rejetant l'idée même de complexité des situations concrètes, il met à mal l'idée même d'une approche professionnelle.

- La simplification du monde proposée dans cette réponse, qui voudrait voir les situations résumées à "un simple rapport entre un agresseur et une victime"pour agir, même les professionnels de l'investigation judiciaire pénale ne s'y prêtent pas. Et la prise en compte de la complexité des situations n'empêche pas l'action ni du côté de l'aide, voire de la protection, et quand il y a infraction, en répression.

- De fait, la prise en compte de cette complexité se distingue de l'approche commune et populaire (strictement limitée à l'évidence apparente) et de l'approche idéologique (celle qui sait a priori et qui fait entrer la situation dans le cadre que lui offre son schéma de pensée).


La CIIVISE minimiserait-elle l'importance des féminicides ?

L'examen de la présentation de la CIIVISE débouche sur un paradoxe de plus, et pas le moindre. En adoptant une position "mythiste"concernant les fausses allégations de parents du fait de la proportion minoritaire qu'elles représentent, la CIIVISE, Edouard DURAND ou encore Ernestine RONAI ne mesurent pas que l'on peut, en adoptant leur mode d'analyse, relativiser des combats qui leurs (et nous) sont chers. Ainsi, la part des féminicides par rapport à l'ensemble des situations de violences dans les couples est encore plus "marginale/résiduelle". Selon les données publiées par le gouvernement pour l'année 2019, 213 000 femmes étaient"victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur conjoint ou ex-conjoint". Il y a en moyenne 120 femmes tuées chaque année par leur conjoint ou ex-conjoint. Cela représente donc 0.056% (120/213000). En comparaison, les données de Trocmé et Bala citées par la CIIVISE montrent un taux de 0.156% (12/7672) soit trois fois plus élevés que celui des féminicides/situations de violences physique ou sexuelle dans le couple ! Et l'écart s’agrandit encore si l'on prend en compte toutes les situations de violence dans le couple (et pas seulement sexuelle et physique). L'enquête Virage indique que la proportion de femmes victimes de violences psychologiques est quatre fois plus nombreuse que celles victimes de violences physiques. Le rapport féminicides/femmes victimes de violences par conjoint ou ex serait alors plus proche de 0,01% (120/852000).

Il est à parier que ni la CIIVISE, ni Edouard DURAND ou Ernestine RONAI ne s'engageraient dans un argumentaire visant à relativiser jusqu'à les présenter comme "très résiduelles" et encore moins comme un "mythe" les situations de féminicides. La position concernant les fausses allégations apparaît ainsi d'autant plus comme un choix de communication que la conclusion de l'analyse posée des données disponibles.

La position professionnelle la plus juste consiste à prendre en compte aussi la probabilité de situations peu fréquentes et pourtant significativement probables : les situations de fausses allégations intentionnelles comme les fémincides.


Ce que l'on sait en trois points

Dans un tel contexte, avec une CIIVISE qui présente de façon non-objective une question qui nécessite de la prudence et de la nuance, trois points sont à retenir concernant les allégations accusatrices de maltraitance quand un couple est séparé :

  • Les allégations de faits non-confirmés, qu'elles soient intentionnellement ou non-intentionnellement fausses , bien que de faible ampleur, sont présentes à un niveau significatif, surtout dans des contextes de relations conflictuelles dans des couples séparés. Ceci de la part du parent-gardien et encore plus de l'autre parent.

  • Ce qui est vrai en moyenne ne peut être généralisé à chaque cas : même si une majorité des allégations accusatrices de parents sont fondées (tendance), devant chaque allégation, les hypothèses "intentionnellement fausse" et "infondée" peuvent être possibles (cas particulier). Cela ne se détermine pas a priori, comme ne se détermine pas a priori le fait qu'une allégation dans un contexte conflictuel suffirait à conclure à un SAP.

  • Les professionnels doivent donc considérer aussi l'hypothèse de la fausse allégation sans se laisser envahir par elle ou dériver encore plus loin en la considérant comme la plus probable. C'est a posteriori que l'on peut parfois savoir si des déclarations sont fondées ou pas, et s'il y avait des intentions de la part de la personne à l'origine des allégations.

  • La rareté d'un phénomène potentiellement préjudiciable pour les adultes comme pour les enfants oblige à garder en mémoire sa possibilité.

Plus largement, sur ce sujet, nous avons besoin de nouvelles études du type de celle menée par Trocmé et Bala, mais à partir de données plus récentes. C'est peu dire que la dernière décennie a été bousculée par la libération de la parole autour des violences de tous types (sexuelles, conjugales, éducatives, etc.) : #metoo, mise en place de la CIIVISE, grenelle des violences conjugales, scandales multiples autour d'agressions par des personnalités publiques. Les données des études de référence datent d'il y a une vingtaine d'années. Comment la question des fausses allégations et allégations non-fondées a t-elle évolué durant cette période ? C'est un sujet important qui mérite d'actualiser nos savoirs et, si besoin, les pratiques professionnelles qui en découlent.

La CIIVISE voudrait que les professionnels croient a priori la personne qui allègue des agressions contre son enfant de la part de l'autre parent. La question n'est pas de croire ou ne pas croire le bloc personne-récit. Aborder une situation par la croyance en une validité du récit en m'appuyant sur une tendance générale que je rapporte à une situation singulière constitue une erreur potentiellement préjudiciable pour tous. Au contraire, comme je l'ai écrit dans mon Manuel du travailleur social sceptique, 2022, page 78, "Le travailleur social sceptique doit (...) conjuguer deux attitudes devant un récit d’événement passé. Celui de prendre ce récit comme sincère, de travailler avec ce qu’il produit aujourd’hui comme réalité pour la personne. Et savoir que ce qui est raconté du passé n’est pas garanti comme étant la reconstitution d’une vérité. Je peux croire la personne sans croire que ce qu’elle raconte est la vérité historique. C’est ainsi la seule position professionnelle, celle qui distingue la personne et son récit."

La CIIVISE omet de parler des effets dévastateurs pour les adultes et enfants de la fausse accusation intentionnelle ou pas. A l'opposé, Trocmé et Bala nous en disent l'importance et pourquoi cette question des fausses allégations doit être mieux appréhendée par les professionnels.

Un thread Twitter-X montre un exemple de dégâts des fausses accusations

(sachant que ces dégâts sont terribles aussi du fait d'accusation de pères non-gardiens)

L'espoir d'un avis enrichi de la CIIVISE

Peut-être que lors de sa prochaine publication d'un avis sur la question, la CIIVISE intégrera une ou deux phrases qui permettront de nuancer leur présentation en la complétant des différents aspects qui permettront de proposer à ses lecteurs un savoir, et non une position militante. Après tout, c'est Édouard DURAND lui-même qui sur Médiapart (mars 2021, à 13mn30) appelait à "injecter du savoir" face à nos représentations. Alors que la CIIVISE, qui fait autorité, intègre et injecte en effet tous les savoirs sur cette question des allégations fausses, intentionnelles et non-intentionnelles. Ces savoirs ne constitueront pas une victoire pour les défenseurs du SAP. Ils donneront seulement une meilleure compréhension aux professionnels et par conséquent une meilleure évaluation des situations dans lesquelles ils interviennent


Laurent PUECH



 

ANNEXE

Analyse des autres sources citées par Édouard DURAND


- Romito et Crisma, 2009 (citée par Édouard DURAND dans Le Carnet PSY (n°182 - 2014/6) et en 2022 dans son livre Protéger la mère c'est protéger l'enfant ;

  • Dans leur article « Les violences masculines occultées : le syndrome d'aliénation parentale », Empan, 2009/1 (n° 73), p. 31-39, Patrizia ROMITO et Micaela CRISMA mentionnent deux études. Celle de TROCME et BALA (2005), déjà analysée plus haut. Et celle de Nancy Thoennes et Patricia G. Tjaden, The extent, nature, and validity of sexual abuse allegations in custody/visitation disputes (1990), qui ne distingue pas les allégations intentionnellement fausses de celles non-fondées : les total des situations non-fondées est de 33%. Et les auteurs relèvent l'importance du contexte de conflit dans la multiplication des allégations infondées par les deux parents.

  • Le contenu de Romito et Crisma, 2009 n'apporte pas de donnés complémentaires à celles fournies par Édouard DURAND. L'intérêt de la citation réside dans la proposition par ces auteurs d'une vision proche de celle développée par le magistrat. Sinon, il était plutôt utile de citer directement Thoennes et Tjaden, 1990 (voir article intégral via ce lien).

- Phelip et Berger, 2012 (citée par Édouard DURAND dans Le Carnet PSY (n°182 - 2014/6) et en 2022 dans son livre Protéger la mère c'est protéger l'enfant

  • Dans leur livre paru en 2012, Divorce - Séparation : les enfants sont-ils protégés ? Jacqueline Phélip et Maurice Berger, recensent parmi des citations de positions de professionnels, une série de sept études allant des années 1987 à 2004 qui montrent la faiblesse de la part des allégations infondées intentionnelles de la part des mères. Les auteurs concluent par un encadré consacré aux résultats de Theresa Knott, Nico Trocmé et Nick Bala dans Les fausses allégations de violence et de négligence, CEPB Informations). Ils y soulignent l'effet des contextes de conflits, facteurs favorisant les fausses allégations pour les deux parents tout en appuyant sur le fait que les pères sont plus concernés par cette production de faux intentionnels que les mères.

  • Cette source donnée par Édouard DURAND a un intérêt du fait de mener vers plusieurs autres sources non-citées par le magistrat. Elles ne changent rien sur le fond par rapport à Trocmé et Bala 2005.


  • On retrouve dans cet article de Patrizia ROMITO les mêmes données que dans son précédent de 2009 avec Micaela CRISMA. Elle y a ajouté avec une certaine confusion une mention à des études australiennes citées par Michael FLOOD en 2010. A la lecture de cet ajout et du document signé par FLOOD, il apparaît des confusions dans la présentation de résultats.

  • Au final, on retrouve les mêmes éléments qu'en 2009 analysés plus haut.


- Viaux, 2020 en 2022 dans son livre Protéger la mère c'est protéger l'enfant

  • Jean-Luc VIAUX explique dans son livre La haine de l'enfant (2020) avoir mené "la seule recherche française sur des fausses allégations, dans le cadre limité aux contentieux de divorce, sur la base d’une analyse des données de trente mille dossiers judiciaires, en 2001-2002 pour le ministère de la Justice" tout en précisant en note de bas de page que cette étude a été "Non publiée par le ministère on peut en trouver un résumé dans le Journal des Psychologues N°225 mars 2005". Ce résumé est un article de Jean-Luc VIAUX mais que je n'ai pas trouvé en lecture sur le net. Une étude non-accessible rend difficile tout commentaire. Le seul point donné par l'auteur est la faible proportion (1 à 2 dossiers sur 1000) dans lesquels il a trouvé de fausses allégations. Mais, à la différence des travaux cités plus haut, nous ne savons rien des conditions de production de l'étude, des choix de catégorisations faits, des raisons de la non-publication par le ministère de la Justice, etc.

  • Du fait des éléments manquants et difficilement trouvables, nous ne pouvons évaluer précisément la valeur de la source citée par Édouard DURAND.

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