Inceste : "3 enfants par classe" ? Examen d'une idée répandue et fausse
- laupuech
- 4 août
- 24 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 août
Résumé :
Un slogan trompeur présenté comme une information fiable est-il nécessaire lorsque l'on défend une juste cause ?
Depuis quelques années, certaines figures publiques ou institutionnelles relaient une estimation souvent reprise dans les médias : "3 enfants par classe" seraient victimes d’inceste (cf 3 enfants par classe !). Cette affirmation, présentée comme solidement étayée, suscite naturellement une forte résonance. Toutefois, l'examen rigoureux de ses fondements méthodologiques demeure rarement entrepris (cf "Cascade de délicatesse" et absence de vérification). Il semble parfois délicat, voire inopportun, d’interroger cette donnée, comme si toute tentative de vérification risquait d'être perçue comme déplacée. Pourtant, une telle démarche de clarification est essentielle. Elle permet de mieux appréhender la réalité de l'inceste et d’élaborer, sur cette base, des réponses adaptées, proportionnées et efficaces. Ce travail de vérification est encore plus nécessaire, comme l'est son débunkage si cette allégation s'avère inexacte et/ou fausse.
Ce chiffre et cette proportion (10% des enfants d'une classe de 30 élèves) captent nos imaginaires et notre attention sur l'importance des types d'agression sexuelles que vivent des enfants au sein de leur famille. Cette captation se fait par des moyens qui tétanisent certains de nos moyens de défense intellectuelle (cf 3 enfants par classe ? Les problèmes d'une formule). En plus de la charge affective soulevée par cette allégation, nous sommes fortement orientés vers une représentation qui, sur d'autres sujets touchant aux mineurs, ne pourraient pas nous "embarquer" (cf Premier problème : une allégation piégeuse). Apparait ensuite un autre facteur potentiellement générateur de biais : cette formule correspond à un narratif militant porté par des figures d'autorité, visant plus le "bon" chiffre pour communiquer que le chiffre juste (cf Deuxième problème : le mix "bon" chiffre et argument d'autorité). De plus, est posée la question du périmètre des actes que recouvre la formule "3 enfants par classe". Spontanément, certains pensent au viol, d'autres à des attouchement sexuels, une plus faible partie y associera l'idée d'exposition répétée à des images pornographiques par exemple. Et celles et ceux qui usent de cette allégation de "3 enfants par classe" n'aident pas à y voir clair (cf Troisième problème : inceste ou pas seulement ?).
Finalement, lorsque l'on compare les données les plus fiables en matière de mesure de l'inceste avec ce slogan, un constat s'impose rapidement : au regard de ces données et de la simple logique, cette allégation est fausse (cf "3 enfants par classe" : tout simplement... faux !). Ainsi, en classe de maternelle, là où l'allégation nous affirme de façon généralisante qu'une fille sur 10 serait victime d'inceste dans une catégorisation extensive, c'est selon les données de l'INSERM dont la catégorisation est adossée à la définition juridique de l'inceste, en fait 1 sur....172 et il faudrait par conséquent une classe de 516 enfants pour que l'affirmation "3 enfants par classe" soit valide... Et si on se contente des données du sondage de Face à l'inceste qui sert de base à l'assertion "3 enfants par classe victimes d'inceste", on mesure aisément que l'allégation de cette association :
n'est en moyenne jamais vraie pour les classes de maternelle,
n'est en moyenne jamais vraie pour les classes de l'école primaire;
n'est en moyenne jamais vraie pour les classes de collège;
deviendrait (presque) valide en moyenne... à la fin du lycée.
L'association Face à l'inceste sait parfaitement que la généralisation abusive de son allégation est tronquée. Cela confirme que cette affirmation n'est pas utilisée parce qu'elle serait factuellement vraie, mais pour son efficacité à capter l'attention.
Il s'agit par conséquent de mesurer ce nouveau paradigme que tentent d'installer ceux qui reprennent cette allégation, comment ils tentent de repositionner la fenêtre d'Overton : rendre acceptable et acceptée dans l'opinion publique une idée qui va ensuite inspirer des politiques publiques. Pourtant, leur juste combat dispose d'arguments solides et suffisants pour alerter sur la réalité sans la tronquer. On peut combattre efficacement l'inceste en utilisant des arguments et des chiffres justes.
S'en tenir aux faits sur la base des données disponibles, ce n'est pas nier le phénomène dont ils donnent l'ampleur, mais le remettre à son juste niveau actuel au regard des données disponibles les plus solides à ce jour. Ces données sont possiblement sous-évaluées. Mais on ne peut avancer des données fragiles pour autant en les présentant comme "fiables". Les données fiables sont suffisantes pour alerter et favoriser l'action contre l'inceste sans tromper, ni manipuler, ni provoquer des craintes qui tétanisent notamment des professionnels et parasitent leur capacité d'agir de façon adaptée.
3 enfants par classe !
"Trois enfants par classe, rien qu’en comptant les viols. Trois élèves dans la classe de votre enfant. Trois élèves dans la classe que vous avez fréquentée, il y a plus ou moins longtemps. Je repense à mes camarades de CM2. J’essaie de me souvenir qui avait du mal à suivre en classe parce qu’il ou elle ne dormait pas la nuit, qui se mettait au fond et qui n’avait pas d’amis, qui était un peu bizarre, un peu solitaire, trop silencieuse."
Charlotte Pudlowski, Ou peut-être une nuit, Grasset, 2021.
Cette affirmation est depuis quelques années bien installée et reprise par des médias que des organisations associatives ou syndicales, et des personnalités.
Elle provient de l'association Face à l'inceste, comme elle le rappelait récemment dans une offre d'emploi :

Elle affichait cette allégation sur la page d'accueil de son site Face à l'inceste (consultée le 4 janvier 2025)
Ce chiffrage est l'extrapolation des résultats d'un sondage de 2020 réalisé régulièrement à la demande de Face à l'inceste et dont la dernière version date de septembre 2023 (Les français face à l'inceste). Ce sondage de 2020 montrait que 10% des répondants affirmaient avoir été victime durant leur enfance ou adolescence d'un des comportements relevant de "vécu d'une situation d'inceste" décrites dans le questionnaire. 10% de la population enfant ou adolescent, et "donc" 3 enfants par classe dans une classe de 30 élèves, 2 dans une classe de 20 élèves...
En 2022, on retrouvait cette affirmation reprise par des organisations syndicales de l'éducation nationale, telle l'organisation SE-UNSA.
Dans son rapport de 2023, page 431, la CIIVISE écrit "160 000 mineurs portent le secret d’une intrusion traumatique dans leur intimité d’enfant, unique ou répétée. Trois élèves de chaque classe de chaque école, de chaque collège, de chaque lycée pensent à l’agression sexuelle ou au viol qui les attend à la maison, dans les douches du sport ou l’appartement du prof de piano." Ici, l'agression sexuelle est donc présentée comme étant quotidien pour ces "trois élèves de chaque classe"...
Les médias vont amplifier la diffusion de ces chiffres, comme par exemple Elle, 7 mai 2024 :
"D’après le dernier sondage Ipsos réalisé pour l’association Face à l’inceste en novembre 2020, un Français sur 10 confie avoir été victime d’inceste, soit environ 6,7 millions de personnes. Cela représente trois élèves dans une classe qui en compte 30."
Et, toujours en octobre 2024, l'analyse d'une enquête réalisée par Ortuna et Harris-Interactive pour la CIIVISE et E-Enfance "Ce que les français savent des violences sexuelles faites aux enfants", page 7 : "Aussi, un quart des Français (25%) considère que sur une classe de 30 élèves, un d’entre eux (voire aucun) a été (ou est) victime d’inceste en France, alors qu’ils sont en réalité trois."
Le 16 novembre 2024, sur France Info, "Edouard Durand insiste sur le fait que ces enfants "existent", qu'ils sont "dans nos classes, dans nos immeubles, dans nos foyers" et qu'ils deviennent ensuite "des adultes qui disent que, pour eux, c'est trop tard". Le juge pour enfant estime qu'"il ne faut pas attendre que ces enfants soient des adultes pour leur dire que c'est dommage et que c'est trop tard. Il faut aller chercher les enfants victimes". Il rappelle les chiffres : "deux à trois enfants par classe mais lesquels ? Il faut poser la question des violences à tous les enfants", France Info, 16 novembre 2024
Et le 22 novembre 2024, à une question portant sur le nombre de victimes d'inceste, Michèle Créoff, vice-présidente de Union pour l'Enfance, administratrice de Face à l'inceste et membre de la CIIVISE, répond : "(...) C'est à peu près 6 millions de personnes et à peu près trois enfants par classe." Michèle Créoff, France Bleu Touraine.
Et pour illustrer la reprise de cette allégation par des élus, un simple exemple avec Sandrine Rousseau, invitée de C à vous, sur France 5, le 28 novembre 2024 :
Retrouvez l'intégralité de la vidéo via https://www.youtube.com/watch?v=AG3Sf3COc7E
Voici donc une allégation bien installée dans notre environnement. Bien installée, certes, mais qui soulève quelques questions...et semble dans le même temps limiter la possibilité de soulever ces questions, emportés que nous sommes par un "excès de délicatesse".
"Cascade de délicatesse" et absence de vérification
« Bien entendu, ces chiffres restent effroyables, mais puisque nous cherchons tous une boussole pour nous orienter dans cet océan d’informations, nous ne devrions jamais prendre le risque, et les journalistes moins que quiconque, de plier l’échine sous une cascade de délicatesse. »
Gérald Bronner, Cabinet de curiosités sociales, PUF, 2020.
Ce que le sociologue Gérald Bronner nomme "cascade de délicatesse", c'est la tendance sur certains sujets à ne pas aller vérifier une information, à l'accepter telle quelle, car sa simple vérification serait jugée déplacée, voire pire. C'est une forme d'auto-limitation de son esprit critique qui peut atteindre ceux dont c'est pourtant un principe que de vérifier l'information. L'expression est d'ailleurs inspirée de celle utilisée par l'Agence France-Presse pour s'excuser d'avoir repris une information insuffisamment vérifiée et qui s'est avérée tout simplement inventée après l'attentat de Nice en juillet 2016. L'AFP indiquait dans un communiqué "Notre journaliste, par un excès de délicatesse et d’empathie vis-à-vis des victimes de l’attentat, n’a pas procédé à suffisamment de recoupements et de vérifications".
Et je ne peux que constater que cet "excès de délicatesse" est une hypothèse explicative crédible pour comprendre pourquoi certains chiffres touchant à la protection de l'enfance tardent à être examiné et débunké lorsqu'ils s'avèrent faux. Pendant ce temps, ceux qui diffusent du faux avancent, et déploient leurs solutions, avec peu de contradicteurs tant leurs chiffres semblent solides...
Examiner la solidité d'un chiffre qui est largement diffusé ne devrait pourtant pas poser problème pour toute personne qui cherche à savoir ce qu'il en est d'une question sociale, qui plus est une question sensible. La zététique est une tentative d'aborder de façon méthodique des allégations, de manière si possible dépassionnée notamment sur des thèmes hautement passionnels. Cela peut ouvrir à des soupçons, voire des accusations, de la part de ceux qui trouvent qu'on en fait "pas assez", ou au contraire de ceux qui trouvent qu'on en "fait trop". Je le dis d'emblée : il n'est pas ici question de réflexes moralistes (c'est bien, ce n'est pas bien...) mais de faits. L'allégation examinée ici se présente comme un fait indiscutable, résultat d'une étude de l'IPSOS : "3 enfants par classe sont victimes d'inceste".
Et de là découlent des conséquences "évidentes" : il faut... y'a qu'à... Le plus souvent, ce sont des logiques d'amplification de la détection, de recherche systématique dont on peut légitimement attendre qu'elles feront sortir les enfants qui chaque jour la subisse de cette situation destructrice pour eux, et pas seulement pour eux mais pour tout le système familial sur plusieurs générations parfois. Pourtant, ces mêmes logiques d'amplification des détections systématisées ne provoqueront pas que des effets positifs. Certaines déclencheront des actions intrusives qui abîment enfants et familles, relations et personnes, par excès de précaution. C'est déjà le cas lorsque l'on voit derrière chaque mot, chaque geste, le possible signe d'un inceste, insécurisant chaque enfant et chaque parent. Placer un grand nombre de familles en insécurité, et parmi elles une part importante de familles pourtant sans présence du moindre fait incestuel, cela constitue un point aveugle de trop nombreux protecteurs sincères. L'excès de précautions ne peut que nourrir les critiques fondées du dispositif de protection et de celles et ceux qui chaque jour agissent dans ce champ.
Il s'agit donc de correctement prendre la mesure pour produire les réponses qui respectent à la fois l'objectif de soutenir les enfants qui subissent ces violences sexuelles et les équilibres nécessaires pour les enfants, adultes et systèmes familiaux qui ne sont pas concernés par ces agressions destructrices. Le point d'équilibre est incertain, et il oblige à des concessions. Mais lesquelles ? Pour en décider, tant les "décideurs" que l'opinion publique doivent avoir une vision la plus juste. "3 enfants par classe", véritable slogan qui cadre et petit à petit organise le débat, est présenté comme un "fait". Vérifions donc d'abord si c'est un "fait".
Et si ce n'est qu'un slogan, un moyen de créer de l'attention, il a des effets concrets sur ce qu'il convient de faire, soumettons cette allégation à un examen critique. Car lorsqu'un slogan se fait passer pour de l'information, le risque d'erreur augmente chez celui qui réceptionne le message.
3 enfants par classe ? Les problèmes d'une formule...
Premier problème : une allégation piégeuse
En lisant cette affirmation pour la première fois, j'ai été immédiatement gêné : quelque chose clochait. Non pas par la proportion de 10% de victimes. Cela pourrait être plus ou moins, ce qui importe pour moi est que les données soient justes à défaut d'être exactes, et j'ai appris à ne pas réagir à un chiffre du simple fait qu'il serait différent de la représentation que j'ai d'un phénomène. Par contre, j'ai aussi appris à identifier parfois (j'en loupe aussi) des énoncés problématiques. Et cette allégation de "3 enfants par classe" est problématique car elle joue sur plusieurs leviers : en utilisant le terme "enfant" plutôt que mineur ou élève, en le mettant en situation d'être dans une classe, et en nous propulsant dans une scène pour nourrir nos imaginaires : vous êtes devant une classe et trois des enfants devant vous sont victimes d'inceste. Ajoutons bien sûr la moyenne (qui masque les variations essentielles à connaître et efface les catégories d'âge) et la force de l'affirmation, le tout sur un sujet où toute réserve sur cette allégation sera pour lue par certains comme une réserve sur la cause des enfants, tout est piégé dans ce "3 enfants par classe".
Pour le mesurer, avant de le démontrer, je vous propose d'imaginer une autre situation mettant en danger des enfants. Si on vous disait, "l'enquête ESCAPAD 2022 montre que 29,9 % des mineurs ont déjà fumé du cannabis, soit 10 enfants par classe !"... vous tiqueriez sur ce "10 enfants par classe". Ou, au moins, vous n'imagineriez pas une classe de maternelle ou primaire. La consommation de cannabis est facilement associée à l'adolescence et au-delà en âge. Vous seriez vigilant aussi parce que la consommation est un acte, un agir du mineur, et moins un "subir". Si dans la consommation de drogue, la personne est actrice de cette consommation, nous ne pouvons par conséquent pas imaginer cette action de la part d'un jeune enfant. Nous pouvons par contre tout à fait imaginer d'un enfant qu'il soit objet de l'action d'un autre, et ce, à tout âge, et d'autant plus qu'il est jeune. Plus il est jeune, plus l'image de l'enfant est intuitivement et justement associée à la fragilité, à la passivité, à la proie potentielle qui découle de son état d'incapacité à se protéger pleinement. Ainsi, sur les situations d'inceste, où un autre, le plus souvent un adulte abuse l'enfant, nous n'avons pas de mal à imaginer cette scène. Et le "3 enfants par classe" ne nous heurte pas immédiatement. Ce qui peut heurter, c'est l'importance du nombre qui est affirmé, mais plus rarement la construction même de l'affirmation.
Deuxième problème : le mix "bon" chiffre et argument d'autorité
"J’ai longtemps cherché le bon chiffre parce que c’est celui qui permettrait de comprendre l’énormité du désastre. De voir les victimes sans en négliger aucune. J’ai rêvé de ce chiffre qui aurait incité ma grand-mère à s’inquiéter, celui qui dans un autre monde lui aurait ouvert les yeux. Celui qui l’aurait forcée à se dire : Pascale aussi. Et à la sauver."
Charlotte Pudlowski, Ou peut-être une nuit, Grasset, 2021.
Cette formule de trois enfants par classe provient d'abord d'associations de protection de l'enfance face à l'inceste, et plus particulièrement de Face à l'inceste. Cette association fait un travail remarquable pour alerter chacun de nous sur l'importance de l'inceste, le sortir du silence et de la méconnaissance dans lesquelles il peut se déployer et abîmer, détruire... C'est apparemment au regard des résultats du sondage IPSOS réalisé en 2020 à la demande de cette association qu'est née l'allégation, fin-2020-début 2021. On la trouve reprise aussi dans le livre de Charlotte Pudlowski paru en 2021. Elle y cite l'anthropologue Dorothée Dussy, auteure de Le berceau des dominations - Anthropologie de l'inceste qui affirme que "Ça veut dire qu’en CM2, sur une classe de trente élèves, il y en a trois qui vivent des abus sexuels dans leur famille."
Depuis, elle a comme nous l'avons vu gagné tous les secteurs. D'un point de vu communication, c'est donc une réussite.
C'est aussi un narratif militant et comme nombre de narratifs de cette catégorie, il cherche à poser un cadre : un cadre qui permet de donner de la visibilité à une question sociale tout en amenant à produire une action en réponse. Le message implicite est quelque chose du genre : "tu ne peux pas rester insensible et inactif face à l'horreur qui est si proche de toi". Amener sous cet angle volontairement tronqué (nous verrons plus loin que Face à l'inceste sait que cette affirmation est inexacte) ne dit donc pas le vrai. Mais un chiffre faux peut être un bon chiffre quand il permet de capter l'attention des médias et du public. Et, dans un marché informationnel hautement concurrentiel où l'offre déborde, capter l'attention du public intéresse aussi nombre de médias qui vont reprendre sans trop d’exigence journalistique minimale (et la vérification de l'information est un des fondamentaux théorique) le "slogan qui claque".
Enfin, quand s'y ajoute un autre ingrédient majeur dans la persuasion des foules, l'autorité des personnes qui reprennent la formule choc, celle-ci prend plus de force encore. Un sondage, une étude, une personnalité de la protection de l'enfance, une personnalité politique, un média sérieux... N'en jetez plus : trop de personnes physiques ou morales importantes le disent pour que l'idée d'interroger cette allégation vienne aisément à l'esprit.
On retrouve autour de cette affirmation les mêmes traits que pour d'autres chiffres faux à haut impact émotionnel (1) : une affirmation construite sur une extrapolation peu fiable, lancée par un collectif militant qui se diffuse via des personnalités et médias pour devenir une "vérité" reprise partout et à laquelle le décideur politique se plie parce qu'il y croit et/ou parce qu'il ne souhaite pas affronter l'opinion publique sur un sujet aussi sensible. A l'heure des réseaux sociaux et des accusations immédiates dès le moindre soupçon de vouloir "cacher" une réalité, bien fou serait le politicien qui oserait affronter l'opinion publique en tentant de simplement remettre à plat une réalité quand d'autres ont installé une vision déformée de celle-ci. Ce qu'un responsable politique peut faire, le politicien ne le peut pas.
Troisième problème : inceste ou pas seulement ?
Ce "3 enfants par classe" victimes d'inceste ne concerne t-il que cette catégorie et tous les types d'actes relevant de l'inceste ? Pas sûr tant il y a des écarts dans les catégorisations des différents auteurs.
Pour Charlotte Pudlowski (Ou peut-être une nuit, Grasset, 2021), s'appuyant sur un entretien avec l'anthropologue Dorothée Dussy, parle de "Trois enfants par classe, rien qu'en comptant les viols". Pour cette auteure, il y aurait donc... plus de trois enfants par classe puisque l'inceste couvre une série d'actions plus larges que le seul viol. Mais quand elle cite Dorothée Dussy, les propos de cette dernière ne disent pas cela : "Ça veut dire qu’en CM2, sur une classe de trente élèves, il y en a trois qui vivent des abus sexuels dans leur famille." Ici, ce sont des abus sexuels, une série d'actes qui ne se résument pas aux viols.
Pour Edouard Durand, lors de son audition par le Sénat en novembre 2023, ce sont 160 000 enfants qui sont victimes de violences sexuelles chaque année, ce qui élargit donc cette comptabilisation aux violences sexuelles non-incestuelles (provenant de tiers mineurs ou majeurs extérieurs à la famille).
Pour Face à l'inceste, le "3 enfants par classe" concerne exclusivement des situations incestuelles et pas seulement les viols mais toutes les formes d'agression sexuelle... dont certaines élargissent considérablement la définition donnée au terme inceste (cf ci-dessous Une différence partielle de périmètre des actes entre le sondage et l'étude).
Enfin, pour la CIIVISE de l'époque Édouard Durand, dans son rapport de 2023 (page 431), les trois enfants par classe concerne toutes les formes d'agression sexuelles provenant de membres de la famille ou extérieurs à la famille. Mais pour Michelle Créoff, membre en 2024 de la CIIVISE et du conseil d'administration de Face à l'inceste, cette allégation concerne bien les cas d'inceste seulement...
"3 enfants par classe" : tout simplement... faux !
Venons-en maintenant à la validité de l'affirmation. Elle aurait pu être simple et juste. Elle est simpliste et fausse. Et chaque préconisation du type "détectons dans chaque classe ces 10% d'enfants qui vivent une situation d'inceste" qui en découle est une erreur qui peut conduire à mobiliser des inquiétudes, de l'énergie et des moyens là où ils s'avéreront inutiles, privant de moyens des actions bien plus efficaces. Et c'est aussi le risque de voir grandir encore le nombre des familles soupçonnées, abimées par les soupçons et investigations se voulant protectrices.
A partir de quoi est-il possible d'être aussi affirmatif quand à la fausseté de cette allégation ? Non seulement les problèmes soulevés plus haut suffisent à douter sérieusement. Mais nous avons des savoirs affinés sur la place des violences sexuelles survenues avant la majorité.
Elise Marsicano, Nathalie Bajos et Jeanna-Eve Pousson, dans leur article Violences sexuelles durant l’enfance et l'adolescence : des agressions familiales dont on parle peu, publié par la revue de l'INED Population & Sociétés (n° 612, juin 2023. Disponible en ligne : https://doi.org/10.3917/popsoc.612.0001) propose une analyse de données récentes, dont celles issues de la recherche menée sur un vaste effectif par l'Institut National pour la Santé et la Recherche Médicale (INSERM) pour la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l'Eglise (CIASE) (voir le rapport complet en ligne).
Une différence partielle de périmètre des actes entre le sondage et l'étude
Dans l'enquête INSERM pour la CIASE, la définition des abus sexuels était la suivant : "Dans cette enquête, on parle d’abus sexuel lorsqu’une personne impose à une autre un acte à
caractère sexuel. Cela inclut les viols, les tentatives de viol et les attouchements sans
consentement." (page 399). Il s'agit donc de passages à l'acte physique avec une atteinte au corps de la victime (viol, tentative de viols, attouchements sans consentement). Les auteurs de cette étude regroupent les contours de la loi concernant les agressions sexuelles et les viols (voir notamment les articles 222-22 et 222-22-3 du code pénal).
Dans le sondage IPSOS pour Face à l'inceste, la situation incestueuse est définie par la réponse positive à au moins une des 5 situations suivantes de la part d'un membre de la famille : Subir des agressions sexuelles comme des attouchements ou des caresses; Être l’objet de confidences répétées à caractère sexuel; Subir des viols ; Subir des actes d’exhibitionnisme; Être obligé de poser pour des photographies érotiques ou pornographiques. Il y a donc deux catégories qui relèvent d'une atteinte au corps de la victime (Subir des agressions sexuelles comme des attouchements ou caresses; Subir des viols) et trois qui ouvrent le périmètre par rapport aux données de l'enquête INSERM et de ce que la loi qualifie d'agression sexuel ou viol incestueux. Ces trois catégories sont plus ambiguës dans leur interprétation et étendent la qualification d'inceste. Ainsi, le sentiment d'avoir subi des actes d'exhibitionnisme peut relever d'une perception de malaise après avoir vu un parent ou une soeur ou un frère nu régulièrement, sans qu'il y ait eu une volonté de s'exhiber de la part de la personne, ou encore une situation ou un enfant est exposé de façon consciente à des actes sexuels entre des parents. On mesure l'écart entre ces deux situations qui peuvent pourtant produire la même réponse dans le questionnaire de l'IPSOS pour Face à l'inceste. De la même facon, la catégorie "Être l’objet de confidences répétées à caractère sexuel" peut rassembler des situations très différentes : entre deux frères de 15 et 16 ans où l'ainé raconte ses "performances" sexuelles au second et les propos similaires d'un frère de 17 ans à sa petite soeur de 12 ans, il y a des différences notables de situations qui pourtant peuvent être rassemblées dans une même catégorie. Ainsi, deux catégories de réponses sont factuelles et parfaitement inscrites dans le périmètre de l'inceste (Subir des agressions sexuelles comme des attouchements ou des caresses; Subir des viols), mais trois autres ouvrent au recensement de réponses positives pour des situations qui, possiblement, ne relèvent pas de l'inceste tel qu'il est actuellement défini.
On mesure que la formulation des questions et la définition des catégorisations diffèrent. La comparaison entre les deux sources doit donc être prise avec prudence, et elle comporte une limite indéniable.
Mais ce qui le rend intéressante est le fait que l'enquête de l'INSERM pour la CIASE donne un repère à la fois plus précis et plus proche de ce que dans la loi et dans la société on nomme inceste que ce qui est adopté par le sondage IPSOS pour Face à l'inceste. Et que cela nous permet d'appréhender ce phénomène en le comparant à la façon dont il est appréhendé et présenté par Face à l'inceste et ceux qui reprennent le slogan "3 enfants par classe".
Un autre aspect, commun aux deux sources ici comparées, est le fait que les deux se fondent sur des déclarations rétrospectives, ce qui peut entraîner une sous-déclaration dans certains cas (difficulté à dire ces violences pourtant subies même lorsque le recueil est anonyme) et, à l'opposé, une sur-déclaration dans quelques cas (reconfiguration du passé biaisée). Cette limite est inhérente aux enquêtes rétrospectives.
Ce qui diffère fondamentalement par contre entre les deux études, c'est le volume des répondants et donc la représentativité des données selon le mode et l'ampleur de l'enquête.
Données INSERM-CIASE et IPSOS-Face à l'inceste
Les résultats généraux de l'étude menée par l'INSERM pour la CIASE sont les suivants : "Au total, 4,6 % des femmes et 1,2 % des hommes interrogés rapportent des violences incestueuses avant l’âge de 18 ans. Les violences sont également le fait des ami·es de la famille (2,2 % des femmes et 0,7 % des hommes). Ainsi les violences sexuelles intra et para-familiales sont rapportées par 6,8 % des femmes et 1,9 % des hommes." Ce rapport précise que "3,7% des personnes de plus de 18 ans en France Métropolitaine ont été abusées mineures par un membre de leur famille" (page 312). On mesure une différence significative avec les résultats du sondage de Face à l'inceste qui doit nous amener à être prudent sur ses résultats et ce qu'ils recouvrent comme types d'actes.
Surtout, les données chiffrées fournies par E. Marsicano, N. Bajos et J-E. Pousson prennent en compte les catégories d'âge auxquelles les agressions surviennent.

Ainsi, pour les femmes victimes d'agression sexuelle par un membre de la famille durant leur minorité (soit 4,6 % des femmes interrogées), 54,8% (12,6+42,2) d'entre elles (54.8% des 4.6% ayant répondu avoir été agressées sexuellement par un membre de leur famille durant leur minorité) la situent avant la 11eme année, et 45,2% (31,3+13,9) entre 11 et 17 ans. Ou, pour donner la mesure par rapport à l'ensemble de la population de sexe féminin, 2,52% d'entre elles témoignent avoir été agressées sexuellement avant l'âge de 11 ans et 2,08 % l'avoir été entre 11 et avant 18 ans.
Les catégories d'âge recouvrent les "âges scolaires" selon un cursus classique et les données donnent une image très différente de la situation que celle du "3 enfants par classe". Les calculs qui suivent sont basés sur les données solides disponibles dans l'article de E. Marsicano, N. Bajos et J-E. Pousson. :
avant 5 ans, devant une classe de dernière année de maternelle de 30 élèves : Si parmi les 4,6% des femmes ayant répondu avoir vécu une agression sexuelle d'un membre de leur famille durant leur minorité, 12,6% d'entre elles situent cette agression avant leur 6eme année, alors cela concerne en moyenne 0,58% des filles de la classe (12,6% des 4,6% de l'ensemble des répondantes), soit une fille sur 172 filles élèves. Il faudrait donc une classe de 516 filles (172/1 donc 172x3=516/3) pour que le "3 enfants par classe" soit valide... Et pour les garçons, avec 9,2% de victimes avant 5 ans parmi les 1,2% qui l'ont été durant leur minorité, soit 0.11% de l'effectif, cela donne 1 garçon sur 907... et une classe de 2721 garçons pour que la formule 1 enfant sur 3 soit pertinente.
de 6 à 10 ans, l'école primaire, ensuivant les mêmes modes de calcul, cela donnerait en CM2 les moyennes suivantes : 1 fille sur 39 et 1 garçon sur 137 a été agressé sexuellement au moins une fois au cours de sa vie par un membre de la famille.
de 11 à 14 ans, le collège, cela donnerait en 3ème ; 1 fille sur 25 et 1 garçon sur 93 a été agressé sexuellement au moins une fois au cours de sa vie par un membre de la famille. Ce résultat s'obtient en cumulant les témoignages d'agressions sexuelles sur les trois tranches d'âge avant la fin du collège : 12,6% avant 5 ans, 42.2 % entre 6 et 10 ans, 31.3 entre 11 et avant 15 ans sur les 4.6% de femmes interrogées ayant répondu avoir été agressées sexuellement par un membre de la famille dans une de ces catégories d'âge. Le procédé de calcul est le même pour les garçons.
de 14 à 17 ans, le lycée, cela donnerait en terminale : 1 fille sur 21 (4,6%) et 1 garçon sur 83 (1,2%) a été agressé sexuellement au moins une fois au cours de sa vie par un membre de la famille. Cependant, du fait de la déscolarisation intervenue avant la terminale pour une part des élèves, il y a en moyenne moins de situations d'enfants victimes d'incestes dans les classes de terminale que dans la tranche d'âge 14-17 ans.
Nous sommes très loin des "3 enfants par classe"... L'extrapolation de Face à l'Inceste pour les filles de maternelle est 17 fois plus élevée que ce que l'on trouve dans les données de l'enquête INSERM... 4 fois plus pour le primaire, 2,5 fois plus élevé pour le collège, et 2 fois plus pour le lycée. Pour les garçons, la surestimation est plus importante encore.
En allant plus loin, si l'on prend la même répartition des âges de la première agression sexuelle au sein de la famille issues de l'enquête de l'INSERM et qu'on l'applique aux 10% uniformisés de Face à l'inceste, le résultat donne : 12,6% de 10%, soit, 1,26% de l'ensemble, soit une fille pour 79 filles... et il faudrait une classe de 237 filles pour avoir le "3 enfants par classe"... Si nous prenions les réponses des hommes pour faire ces mêmes calculs, sachant qu'ils sont 1,2% à répondre avoir vécu une agression sexuelle par un membre de la famille durant leur minorité, et 9,2 % de ces 1,2% de répondants (soit 1 garçon sur 905), il faudrait une classe de 2715 garçons pour avoir un "3 enfants par classe" valide...
Enfin, si nous nous basons seulement sur les résultats du sondage de Face à l'inceste et non plus sur les données de l'étude INSERM pour la CIASE), les affirmations correctes devraient être :
Dans une classe de 30 élèves en fin de scolarité (élèves âgés de 18 ans), en moyenne 3 d’entre eux ont été victimes d'au moins une situation incestueuse au cours de leur enfance ou adolescence.
Dans une classe de dernière année de maternelle de 30 élèves, en moyenne 0,4 d'entre-eux ont été victime d'au moins une situation incestueuse depuis sa naissance.
Dans une classe de CM2 de 30 élèves, en moyenne 1,7 d'entre eux ont été victime d'au moins une situation incestueuse depuis sa naissance.
En résumé : même en prenant à la lettre les données du sondage de Face à l'inceste, l'allégation de cette association "3 enfants par classe victimes d'inceste":
n'est en moyenne jamais vraie pour les classes de maternelle,
n'est en moyenne jamais vraie pour les classes de l'école primaire;
n'est en moyenne jamais vraie pour les classes de collège;
deviendrait presque valide en moyenne seulement à la fin du lycée. "Presque" car une partie des mineurs a quitté le système scolaire avant d'arriver en terminale...
Face à l'inceste sait d'ailleurs que son affirmation généralisante est fausse. Dans un dossier publié le 8 décembre 2021 sur son site, L’inceste en dix chiffres chocs, Face à l'inceste explique que "la moitié des enfants qui ont connu l'inceste ont vécu leur premier traumatisme avant [9 ou 10 ans]":
Si la "moitié des enfants incestés" avait moins de 10 ans lors de la première fois, alors il ne peut y avoir autant d'enfants incestés avant et après cet âge de 10 ans, et par conséquent pas la même proportion d'enfants concernés par l'inceste dans les classes où l'âge moyen est en dessous des dix ans (maternelle-primaire) ou au dessus des dix ans (collège-lycée).
Pourtant, cette allégation fausse de "3 enfants par classe" reste diffusée en direction des enseignants de maternelle comme de ceux du primaire, du collège et du lycée, et plus largement de tous les publics... Il serait utile au contraire de préciser que les enseignants de maternelle ont face à eux proportionnellement et quantitativement beaucoup moins d'enfants victimes d'inceste que les enseignants de lycée.
On notera aussi qu'à cette invisibilisation des catégories d'âge qui est le produit de la formule choisie par Face à l'Inceste ("3 enfants par classe") s'ajoute une invisibilisation de la dimension genrée de l'inceste : ce sont les hommes qui très majoritairement en sont les auteurs (96.5 % des agresseurs sont des hommes selon l'étude INSERM pour la CIASE) et les victimes sont 4 fois plus nombreuses en moyenne chez les filles que chez les garçons.
Etonnamment, alors que cette association rappelle par ailleurs qu'une victime sur cinq est un garçon (voir le point 9 de son document en ligne), elle diffuse ce message du "3 enfants par classe" où elle semble signifier qu'il y a autant de filles que de garçons concernés. C'est en cela que mon hypothèse est que Face à l'Inceste sait parfaitement que son affirmation généralisante ne tient pas la route.
Pour conclure : refermer ou pas la fenêtre d'Overton ?
« Beaucoup de ceux qui, auparavant, considéraient la législation sur le sujet comme invraisemblable, la verront désormais simplement comme dangereuse, voire juste difficile. Et ainsi, avec le temps, elle en viendra à être considérée comme une possibilité, puis comme quelque chose de probable, et enfin elle deviendra l'une des quelques mesures dont le pays a absolument besoin. C'est de cette manière que se forge l'opinion publique. »
Anthony Trollope, Phinéas Finn, 1869
En utilisant une affirmation qui est, du fait de sa généralisation abusive et de ses fondements fragiles, fausse, ce que font ses promoteurs, c'est tenter de modifier notre perception de la prévalence de l'inceste dans notre société. Ils veulent ouvrir des yeux qu'ils jugent trop fermés, capter des regards qu'ils considèrent comme trop souvent détournés. Il usent d'un concept généralement utilisé dans le monde des idées, et plus précisément de la politique : la fenêtre d'Overton. Ils tentent de rendre acceptable et acceptée dans l'opinion publique une idée qui va ensuite inspirer des politiques publiques.

L'idée est louable.: faire prendre conscience de la réalité et de l'inceste dans notre société, de ses manifestations qui ne sont pas exceptionnelles ni résiduelles au sein des familles. Je souscris pleinement à cet objectif. Doit-on pour autant accepter le moyen choisi très sciemment par Face à l'inceste et ceux qui reprennent en connaissance de cause cette allégation ? La construction d'un slogan faux peut entraîner des effets inadaptés, voire maltraitants pour des familles entières (fracasser les liens et des personnes sur la base de suspicions infondées). C'est l'autre réalité de la suspicion qui s'affiche comme "protectrice" et s'avère parfois... destructrice.
La réalité de l'inceste, de ses dégâts, et sa présence dans une proportion significative de familles doivent soutenir la mobilisation qui ne cesse de s'amplifier. Cette mobilisation a suffisamment de données fiables et alertantes pour éviter d'avoir recours à des données non-valides. Elle a au contraire besoin de données valides, de sensibilisation et formation pour que les adultes soient vigilants sans devenir des détecteurs-obsessionnels sur la base d'une représentation tronquée. Un enseignant ou une assistante sociale qui cherche "lesquels" des enfants d'une classe sont "forcément" victimes d'inceste n'est pas nécessairement plus apte à identifier de telles situations. Par contre, ils sont parasités et encombrés par des craintes qui les abiment sans pour autant favoriser l'aide qu'ils veulent apporter à un ou des enfants.
La préférence de l'effet Impact du discours à la solidité des données produites existe chez de nombreux protecteurs militants. Rester exigeant vis-à-vis de ces militants-protecteurs souhaitant influencer les politiques publiques limitera le risque que les débats sur ces questions hautement sensibles et importantes soient tronqués. Ceci au bénéfice des familles et de la protection raisonnable des enfants qui y subissent de l'inceste et de ceux qui n'en subissent pas. Privilégier une "protection raisonnée" à une "protection irrationnelle" est aussi un enjeu de protection de l'enfance.
Notes :
1 Voir par exemple mes articles ou dossiers "Deux enfants tués par jour" : comment un chiffre jamais démontré est devenu une référence, Confinement et violence conjugale : la non-explosion qui interroge, ou encore Morts violentes au sein du couple : derrière les discours alarmistes, une baisse de 25% depuis 2006.
Pour compléter cette lecture, vous trouverez dans le Manuel...
Voir Un mot écrit n'est pas autovalidant (pages 23-24), Effet Impact (pages 61 à 63), Protection raisonnée vs protection irrationnelle (pages 86 à 88) et Un dangereux précautionnisme (pages 88 à 90)
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